jeudi 24 décembre 2015

De la formation à propos de cuisine note à note

Ce matin, une demande d'orientation :

Bonjour,
Pour l'heure étudiant, je cherche à définir l'orientation de mon prochain cursus, et pour cela, j'aimerais avoir votre avis.
Vous vous demandez sûrement pourquoi je m'adresse à vous et non à n'importe quel conseiller d'orientation dont c'est le métier de m'aider à répondre à ce genre de questions. Pourquoi votre avis compte-t-il à ce point? Parce qu'en tant que co-fondateur de la Cuisine note à note et principal acteur de sa diffusion, votre avis m'intéresse. 
Il y a à peine plus d'un mois, le 19 novembre dernier pour être précis, j'ai assisté avec enthousiasme à l'une de vos nombreuses conférences sur le sujet, à l'Hôtel de région de Rouen. Là, vous m'avez, comme vous le disiez vous-même, "offert des questions", des graines de réflexion qui, depuis, ont commencé à pointer le bout de leur germe.
La Cuisine note à note se propose comme une voie potentielle d'alimentation, économiquement et nutritionnellement raisonnée, adressée à l'être humain de demain. Or, aujourd'hui, tout reste à faire. 
La Cuisine note à note a vingt ans, le premier de ses plats n'en a que six, et même si j'imagine que les connaissances cumulées à ce sujet ne se limitent pas à l'utilisation du 1-octèn-3-ol et des polyphénols dans les plats cuisinés, vous serez d'accord pour dire que tous les domaines, allant de la nutrition, la toxicologie, à la mise en place d'un système logistique viable, en passant par les questions sensorielles et techniques adéquates pour faire de la Cuisine note à note un moyen véritable de s'alimenter en 2060, devront être explorés et maîtrisés avant que cela n'arrive.
Vous l'aurez compris, c'est la voie vers laquelle j'aimerais, au terme de mes études, me diriger. 
"Prendre cette décision après seulement un mois? La lubie passagère d'un jeune naïf!". A vrai dire, avant de découvrir la cuisine note à note, je projetais depuis quelque années de me diriger vers la cuisine moléculaire, mais tout ceci est énormément plus haletant et enthousiasmant.
Enfin, l'objet premier de cet email (il serait temps!) est de vous demander quelle serait, selon vous, la ou les formations les plus adéquates à suivre? Plutôt formation d'ingénieur ou Master-Doctorat? Cursus Chimie ou Agroalimentaire? De quoi le monde de la Cuisine note à note a-t-il besoin?
Vous souhaitant de bonnes fêtes,
Respectueusement,

Et voici ma réponse : 

Bonjour et merci pour votre message, qui me montre que je n'ai pas tort de faire ce que je fais.
Je suis heureux que vous soyez intéressé par la cuisine note à note, ou, plus exactement, par le projet note à note (la cuisine n'est que l'aspect d'appel), car je crois que cette forme d'alimentation le mérite.

Il y a d'abord la question des métiers, autour du projet note à note : comme je l'explique dans mon livre "La cuisine note à note", il y a un très grand nombre de métiers possibles. Et, pour ces métiers, il y a évidemment des formations, qui donnent des connaissances, mais surtout des compétences.

La question de la formation est une question difficile, et vous me proposez une grande responsabilité, mais je m'en affranchis, sans lâcheté, en vous  proposant le raisonnement suivant : puisque de très nombreux métiers sont nécessaires, pour le développement de la cuisine note à note, et puisque chaque métier peut conduire au développement de la cuisine note à note comme à d'autres activités, je puis vous proposer un miroir : que voulez-vous faire de vos journées pendant une bonne partie de votre vie ?

Plus explicitement, la question n'est pas tant de savoir ce dont le projet note à note a besoin (car les besoins sont innombrables), mais ce que vous aimez faire vous-même... tant il est vrai que l'on ne fait bien que ce que l'on aime faire, donc que l'on fait sans compter son temps, ce que l'on fait en "s'amusant". Et l'important (je crois) est de ne pas céder aux modes. Or la cuisine est à la mode, comme l'ont été la science policière, il y a quelques années. Il faut donc se méfier un peu, même si l'on a la "cuisine" en projet depuis plusieurs années.
Ma proposition consiste non pas seulement à savoir ce que l'on saura faire en sortant de ses études, mais, aussi, comment on va évoluer. Ce qui est fascinant, dans les études de cuisine, par exemple, c'est que tous les formés ont un travail, et que, mieux encore, je connais des patrons de très grosses sociétés multinationales alimentaires qui ont une formation de cuisinier.

Mais revenons à la question de la mode ; elle me conduit à plutôt vous demander ce qui vous plait à vous, sans fantasme, en considérant le travail quotidien, avec ses composantes d'administration, de communication  et de "travail proprement dit".
Pour chaque métier, il y a un intérêt intrinsèque (combien le métier particulier vous intéresse, vous en particulier), extrinsèques (combien on gagne)  et concommitant (l'entourage du métier, la réputation...). Certains préfèrent les équations, d'autres les manipulations ; certains préfèrent l'encadrement de personnes, et d'autres préfèrent faire les choses eux-mêmes ; certains préfèrent être dans un bureau, et d'autres aiment bouger ; certains  aiment des horaires réguliers, et d'autres n'en veulent pas.
Bref, je crois qu'il vaut mieux choisir en fonction de ce que vous aimez, et, bien évidemment, l'analyse de vos goût est première... en évitant, à nouveau, les fantasmes. Par exemple, il faut savoir qu'un cuisinier doit parfois gérer son restaurant, ou bien faire pour beaucoup (restauration collective) ; que des cuisiniers cuisinent, mais d'autres font du service. Et puis, cuisiner : en artisan ou en artiste ?

"Autour" de la cuisine note à note, pour y revenir il y a donc un très grand nombre de métiers possibles, soit artisanaux, soit industriels, soit fonctionnaires.
Pour être artisan, la formation est seulement une question de "contenu".
Pour être dans l'industrie, il faut souvent un diplôme qui atteste à l'employeur que vous avez des compétences d'ingénieur, à la fois théoriques et d'encadrement.
Pour la fonction publique, il faut passer des concours administratifs, avec diverses conditions. Bref, la question est aussi : qui vous payera, combien, pour quoi faire ?

Maintenant, si l'on pense métier :
- pour être cuisinier, je crois que le mieux est  une formation artistique, une formation en hygiène, la maîtrise de l'anglais, des notions de commerce, de toxicologie...
- pour s'intéresser au fractionnement, il faut sans doute une formation d'ingénieur, mais je ne crois pas que la thèse soit indispensable
- pour faire de la nutrition, il faut une formation en nutrition, sans doute avec un master
- pour l'agronomie, il faut une formation en agronomie
- pour de la science, il faut certainement une thèse

Où avoir ces formations ?  Il y a plein de possibilités.
Le plus logique : une école de cuisine pour être cuisinier ; une école d'ingénieur pour un métier d'ingénieur ; une école de commerce pour faire du commerce ; une formation de nutrition pour faire de la nutrition (université/grande école) ; une thèse pour faire de la science.
A ma connaissance, le CFIC ne connaît pas la cuisine note à note : je ne sais pas pourquoi, mais Marx et Haumont sont restés collés à la cuisine moléculaire (qui date d'il y a 35 ans!). De la chimie ? Si vous voulez en faire ! De l'agroalimentaire ? Si vous voulez en faire !

Joyeuses fêtes.